Publié le Dimanche 17 mars 2024 à 13h00.

Béziers, l’envers du décor, de Daniel Kupferstein

Documentaire français, sorti en salles le 28 février 2024, durée 1 h 50 min (version longue de 2 fois 1 h 30 min).

Daniel Kupferstein n’est pas un inconnu. Il a réalisé, entre autres, Les balles du 14 Juillet 1953 et d’autres films sur les massacres de l’État français durant la guerre d’Algérie. N’habitant pas très loin de Béziers il a voulu en savoir plus sur cette municipalité gérée depuis 2014 par Robert Ménard, qui a été soutenu par le Front national, et a réalisé ce documentaire sur l’exercice du pouvoir par l’extrême droite dans une ville. Le résultat est glaçant ! 

Le réalisateur utilise comme fil conducteur l’étude approfondie du journal municipal de la ville, aidé par un spécialiste du décryptage de ce type de propagande. En partant à la rencontre des habitantEs et de militantEs, nous découvrons « l’envers du décor » de cette ville du sud de la France. Comment ce journal façonne une ligne politique et idéologique d’une France catholique intégriste, rejetant les musulmanEs, tout en voulant contrôler et surveiller l’ensemble de ses habitantEs. Dans ce journal municipal, au graphisme très proche de Détective, l’image de la femme glorifie une icône de ménagère sexy toujours disponible au mâle, à la façon dont les femmes étaient représentées dans les années 1950-1960. 

Dans la revue, les enfants sont tous blonds, alors que dans cette ville du sud la plupart des ­habitantEs sont brunEs.

Circulez, vous êtes surveilléEs !

La caméra se promène en centre-ville où les bancs ont été retirés parce qu’il est interdit de s’asseoir. Sous l’œil des caméras de surveillance, cette fois, les gens sont épiés en permanence. Ne vous arrêtez pas, circulez !

Les enfants ne peuvent pas se mouiller sous les jets d’eau de la place centrale, les jours de canicule. La police municipale y veille. Cette police, dont le budget a explosé de manière exponentielle — à l’inverse de celui de la médiathèque et des associations de soutien destinées aux quartiers populaires —est armée. Elle est impliquée dans la mort d’un homme de 33 ans durant le couvre-feu en décembre 2020...

Les curés sont partout. La fête du cochon est inaugurée par une messe, histoire de flatter le racisme et d’humilier la population tellement diverse de cette ville. La rue du 19-Mars-1962 est rebaptisée du nom d’un officier putschiste pour honorer l’Algérie française.

Une ville sous la coupe de l’extrême droite

On est sonné quand on sort de la projection ! Le réalisateur a voulu montrer ce que signifiait vivre, à un niveau municipal, sous la gestion politique de l’extrême droite. Il souhaite nous alerter sur ce que cela pourrait donner si un département, une région... ou le pays se retrouvait sous la coupe de l’extrême droite. Il rappelle qu’il y avait deux listes de gauche et une liste citoyenne séparées face à Ménard aux dernières élections municipales de 2020.

Un film comme celui-ci est une œuvre de salubrité publique qui doit nous obliger à dépasser les sectarismes. En commençant par organiser projections et discussions, puisque Daniel Kupferstein est disponible pour en débattre après des ­projections militantes. 

Norbert N.