Publié le Jeudi 5 juin 2014 à 17h02.

Intermittents : "Tant qu’un membre du gouvernement sera dans la salle, nous ne jouerons pas"

Entretien. Nous avons rencontré Samuel Churin de la Coordination des intermittents et des précaires d’Île-de-France pour faire le point sur le mouvement contre l’accord de l’Unedic.

Pourquoi s’organiser en tant qu’intermittents et précaires ? Comment est envisagée cette convergence ?La convergence est allée de soi dès 2003. On ne s’est pas appelé « Coordination du spectacle » car notre lutte n’est pas une question de culture, mais une question de droits sociaux (c’est d’ailleurs la responsabilité du ministre du Travail qui est engagée). Le problème posé est celui de l’assurance-chômage. Et à ce titre, le modèle des intermittents qui assure une continuité de revenus pour une discontinuité d’emploi pourrait concerner tout le monde. Nos activités sont par nature courtes et précaires, et c’est pour cette raison que nous avons acquis des droits spécifiques (très fortement détériorés depuis l’accord de 2003). Depuis la reconnaissance de l’intermittence, ce qui était notre spécificité s’est amplifié : 86 % des embauches se font désormais en CDD. Et si nous sommes attaqués, c’est bien parce que le Medef ne veut surtout pas que notre modèle serve aux autres. Plus largement, il est catastrophique de voir combien c’est la disquette du « plein emploi » qui fonctionne encore, y compris pour le NPA. On confond travail et emploi. Mais nous sommes, nous intermittents, l’exemple même que l’emploi ne recouvre pas nécessairement le travail. Ce qu’il nous faut accomplir, en amont, sur les projets, l’apprentissage du texte, tout cela c’est du travail qui n’est pas comptabilisé dans l’emploi. Au mieux, nous sommes payés le premier jour des répétitions alors qu’un travail énorme a déjà été fourni. Ce travail échappe à l’emploi. Il faut donc savoir si l’on considère que ce travail doit être rémunéré. Et si oui, se pose alors la question d’un salaire socialisé qui éviterait des droits sociaux de misère et les stigmatisations.

Que révèle l’accord de l’Unedic de mars dernier et où en sommes-nous ?Rebsamen a signé le 9 mars dernier la tribune qui validait nos contre-propositions. Puis il est devenu ministre. Et il nous dit maintenant qu’il va être obligé de valider l’accord car ce dernier est majoritaire. C’est un classique : tous les socialistes soutenaient nos propositions... jusqu’en 2012. Son argument est de très mauvaise foi. Si l’accord arrive sur sa table, c’est inévitablement qu’il est majoritaire ! Et cela n’empêche rien : Aubry en 2000 avait dit non à un accord majoritaire (le Medef et la CDFT avaient alors menacé de quitter l’Unedic, ce qu’ils n’ont évidemment pas fait). Et, d’ailleurs, à propos des intermittents, en 2003, l’accord était aussi majoritaire et les socialistes se battaient contre ! Il ne faut pas se leurrer sur ce qui se joue : soit il agrée soit il démissionne. Car, dans le Pacte de responsabilité, sur les 50 milliards d’euros, il en y a 2 d’économies qui concernent l’Unedic. Le PS a décidé de faire des économies sur les pauvres et les précaires. Tout cela s’inscrit dans une logique d’ensemble – et l’accord comprend, à ce titre, une attaque sans précédent contre les précaires, les intérimaires (annexe 4), avec l’introduction des « droits rechargeables » qui rendront les chômeurs corvéables à merci, dans l’obligation d’accepter n’importe quel boulot pourri, avec des miettes de droits sociaux.

Quelles sont les prochaines échéances pour le mouvement ?La violence qui nous est faite est celle du gouvernement qui avalise la politique du Medef. C’est lui qui applique la politique d’austérité et qui baisse les budgets (ce que la droite n’osait pas faire), c’est lui qui va très certainement signer l’agrément. Nous avons donc décidé en coordination nationale, et la CGT a rejoint cette proposition, que les membres du gouvernement n’assisteront pas aux festivals : tant que l’un d’entre eux sera dans la salle, nous ne jouerons pas. Une journée de grève est par ailleurs, prévue pendant le festival d’Avignon et d’autres actions sont envisagées. Nous sommes dans une double temporalité : une lutte courte et urgente pour que l’agrément ne soit pas signé et pour que l’accord de l’Unedic ne soit pas appliqué, mais aussi une lutte de longue haleine : nous avons des contre-propositions et nous voulons qu’elles soient étudiées.

Propos recueillis le 29 mai par Olivier NeveuxPlus d’infos sur le site de la CIP IDF : http ://www.cip-idf.org