Publié le Vendredi 31 mai 2013 à 11h12.

Tunisie : du rififi chez les islamistes

Longtemps complaisant avec la mouvance salafiste, le gouvernement dirigé par Ennahdha a durci le ton après que seize militaires et gendarmes ont été blessés fin avril et début mai près de la frontière algérienne.Franchissant un pas de plus, il a déployé le 19 mai à Kairouan 11 000 agents des forces de l’ordre pour interdire un congrès du mouvement salafiste « Ansar al-Chariâa ». Il a également réprimé avec une grande violence un rassemblement salafiste dans un quartier de Tunis.Pourtant, comme les courants salafistes, Ennahdha veut instaurer une société régie par la loi islamique (chariâa). Ce sur quoi divergent ces deux courants de l'islam politique concerne avant tout les moyens d'y parvenir.

Question de méthodes ?Pour les salafistes, il s'agit d'un objectif immédiat à imposer par la violence, y compris en se heurtant par les armes à l'appareil d’État tunisien. Ils s'en étaient également pris frontalement à l'impérialisme américain en envahissant le 14 septembre dernier son ambassade à Tunis.Ennahdha, au contraire, veut utiliser l'appareil d’État pour parvenir à ses fins. Elle s'empare pour cela méthodiquement des rouages de l'administration, ce qui lui permet par ailleurs de développer un important clientélisme. Travaillant dans la durée, Ennahdha cherche à islamiser progressivement la société, notamment en ce qui concerne la place des femmes.Son objectif immédiat est d'incorporer dans la future Constitution le plus d'éléments s'inscrivant dans ce projet, sans que cela empêche de réunir à l'Assemblée constituante les deux tiers des voix nécessaires à l'adoption de celle-ci. D'où une série de louvoiements comme le retrait de la référence explicite à la loi islamique, tout en la réintroduisant ensuite de façon indirecte.En réprimant en ce moment certains courants salafistes, Ennahdha veut apparaître auprès de la bourgeoisie tunisienne et des pays impérialistes comme l'incarnation d'un « islamisme modéré », acceptable par eux. D'où la répression contre les salafistes ayant envahi l'ambassade américaine le 14 septembre, et son attitude actuelle.De la même façon, Ennahdha a accepté de participer à la conférence de l'UGTT. Mais elle l'a en partie vidé de son contenu en se mettant préalablement d'accord avec quelques comparses sur les points qu'il était hors de question d'accepter : parmi eux la dissolution des « Ligues de protection de la révolution » et l'engagement de faire la lumière sur l'assassinat de Chokri Belaïd.

CorrespondantEs