Publié le Lundi 26 décembre 2016 à 12h04.

Les jeux des grandes et moyennes puissances

Les impérialismes des USA et de l’Europe ont été secoués par la dynamique ouverte dans la région arabe en 2011. Une des racines majeures du soulèvement réside dans la politique néolibérale qu’ils ont imposée partout, détruisant services publics et emplois stables, agriculture vivrière et environnement.

Les grandes puissances occidentales étaient les « parrains » de la plupart de ces dictateurs, premiers clients pour leurs ventes d’armes et de produits de luxe. Elles ont immédiatement entrepris de coopter les pouvoirs nouvellement installés ou potentiels, dans un contexte de reflux de leur influence, en particulier avec les défaites US en Irak et en Afghanistan.

Là où les dictateurs n’étaient vraiment plus présentables, elles ont tenté en vain de négocier leur départ. En Libye, vis-à-vis de Khadafi ne bénéficiant d’aucune protection internationale, et face à la haine trop forte de son peuple après 42 ans de pouvoir, elles sont intervenues militairement pour se dédouaner, et finalement l’éliminer. Au Yémen, c’est l’Arabie saoudite qui a voulu gérer à sa main une transition débouchant sur une terrible guerre civile et régionale.

L’écrasement des soulèvements populaires

En Syrie, Assad a bénéficié d’un parrainage de plus en plus efficace des pouvoirs iranien et russe. Malgré les crimes atroces commis par la dictature, les puissances occidentales se sont contentées de mots pour soutenir l’opposition, laissant les monarchies pétrolières islamistes tenter de préempter la révolte. L’irruption de Daesh comme monstre djihadiste a achevé de convaincre les puissances occidentales qu’elles devaient limiter leurs efforts géo­stratégiques à deux tâches : la « lutte contre le terrorisme » ciblant Daesh et al-Qaïda par tous les moyens militaires et policiers, et le cantonnement sans pitié des vagues de migrants hors d’Europe.

Dans ce contexte, ceux qui n’ont pas la souplesse des vieilles puissances occidentales, comme la Russie de Poutine, l’Iran de Khamenei, la Turquie d’Erdogan ou l’Arabie saoudite du nouveau roi Salmane, ont tenté de dévier la révolte populaire vers l’affrontement interconfessionnel. Ils ont pris la tête de l’écrasement des soulèvements populaires dont la dynamique inspiratrice les menace eux aussi directement.

Résister aux vents mortifères, construire la solidarité

En voyant les désastres actuels dans la région certains, même des militants, se demandent si ces luttes en valaient la chandelle, en particulier en Syrie ou en Libye. Et les théories complotistes se développent pour rabaisser des mouvements de masse à des manipulations de puissances étrangères. Il est essentiel de résister à ces vents mortifères. Les raisonnements prédestinant ces soulèvements à l’échec confinent au racisme.Des combats formidables et héroïques ont été menés par des hommes et des femmes aspirant à la démocratie, la justice sociale et la dignité. Ils ont pour la plupart été perdus à ce stade, face à la détermination des ennemis de la liberté. Mais c’est, et ce sera le lot de la plupart des mouvements révolutionnaires s’ils restent dans l’isolement ! Et c’est bien de ce manque de convergence ou de solidarité internationale entre celles et ceux « d’en bas » des différents continents, qu’il convient de se préoccuper, d’autant que la dynamique du processus ouvert dans la région arabe en 2011 n’a peut-être pas dit son dernier mot !

Jacques Babel