Publié le Vendredi 18 avril 2014 à 10h35.

Valls : agent du Medef et fier de l’être

Manuel Valls a prononcé le mardi 8 avril son grand discours-programme devant les députés. Plus que jamais, le cap est mis sur les cadeaux aux entreprises, même s’ils sont coûteux, et sur l’austérité.

Jean-Marc Ayrault, sur instruction de François Hollande, avait déjà mis en œuvre le « choc de compétitivité » de 20 milliards d’euros, qui avait pris la forme d’un crédit d’impôt (baptisé Crédit d’impôt compétitivité emploi - CICE). Et Hollande avait ensuite annoncé qu’au travers du « pacte de responsabilité », le total des allègements sociaux et fiscaux offert aux entreprises allait être progressivement porté à 30 milliards d’euros. C’est sur les modalités des 10 milliards d’euros complémentaires que Valls a apporté des précisions nouvelles : 4,5 milliards correspondront à une annulation dès le 1er janvier prochain des cotisations sociales employeur au niveau du Smic. 4,5 autres milliards correspondront (en 2016) à des allègements sur les salaires allant jusqu’à 3,5 Smic. Au total, les patrons bénéficieront pour 90 % de leurs salariéEs d’allègements des cotisations employeurs. Enfin, les travailleurs indépendants et les artisans bénéficieront d’une baisse de leurs cotisations dès 2015 (1 milliard d’euros).

Toujours plus pour les patrons...Mais pour montrer sa capacité d’écoute des revendications patronales, le nouveau Premier ministre gonfle encore un peu la facture. Divers impôts sur les entreprises seront progressivement supprimés (1 milliard d’euros en moins dès 2015) et le taux de l’impôt sur les sociétés sera abaissé à partir de 2017. Comme il faut enrober ces cadeaux, il y aura quelques miettes pour les salariéEs (Hollande avait annoncé un « pacte de solidarité »). Dès le 1er janvier 2015, les cotisations sociales des salariés seront ainsi diminuées pour les salaires au niveau du Smic, afin de procurer 500 euros par an de salaire net supplémentaire. Ce gain sera dégressif entre le Smic et 1,3 fois le Smic. Mais il s’agit de miettes empoisonnées : baisser les cotisations salariées, c’est augmenter le pouvoir d’achat au détriment des ressources de la sécurité sociale (et donc des droits sociaux). C’est en fait une forme de subvention supplémentaire au patronat dispensé d’augmenter les salaires. Des allègements d’impôts sont aussi annoncés mais sans plus de précision.

Bruxelles salue VallsLe programme de Valls consiste donc avant tout en cadeaux aux patrons qui vont peser en premier lieu sur les comptes de la Sécurité sociale. Pour les compenser, le gouvernement a deux perspectives. D’abord, les 50 milliards d’économies déjà annoncées. Ces 50 milliards vont d’abord concerner la Sécurité sociale pour 21 milliards (10 milliards de moins pour l’assurance-maladie et 11 milliards sur les autres prestations sociales). Le reste pèsera sur les collectivités locales (11 milliards) et l’État (19 milliards). Donc, si on résume : de nouvelles attaques sur le droit à la santé et les droits sociaux en général et moins de services publics, tandis que continuera le blocage des salaires des agents publics, que les 60 000 postes supplémentaires dans l’Éducation nationale annoncés par Hollande ne verront pas tous le jour, etc. Même si le gouvernement le nie, la deuxième perspective est un ajustement de l’objectif d’un déficit des finances publiques inférieur à 3 % du PIB en 2015 : cet objectif devient intenable avec tous ces cadeaux aux entreprises.  Des négociations vont donc s’engager avec Bruxelles, mais on peut remarquer que la Commission européenne a déjà réagi favorablement aux annonces de Valls : « Nous saluons l’intention de réduire la pression fiscale sur les entreprises » a déclaré un porte-parole bruxellois. Autrement dit, des dépenses pour plus de services publics, c’est inacceptable, mais des dépenses pour les patrons, on peut discuter !

Raboter les droits des salariés dans l’entrepriseParmi les annonces du nouveau gouvernement, l’une est passée inaperçue mais elle est révélatrice. Au conseil des ministres du 9 avril, a été abordée la question des seuils sociaux (les seuils à partir desquels il doit, par exemple, y avoir des délégués du personnel, des comités d’entreprises, etc.). Il y a une négociation en cours entre patrons et syndicats sur le « dialogue social ». Il a été annoncé qu’elle devrait aussi porter sur les seuils sociaux et se terminer avant la fin 2014.  On peut prévoir sans crainte de se tromper que, avec la complicité de certains syndicats, cette négociation se soldera par une nouvelle victoire revendicative  des patrons.

Henri Wilno