Publié le Mercredi 12 mars 2014 à 19h22.

UMP : la crise rebondit sous l’empilement des « affaires »

La série télévisée Mafiosa nous avait fait découvrir le « toc » (pour téléphone occulte). C’est, en langage policier, un portable non enregistré, acheté par un tiers et à carte prépayée, qui permet aux malfrats d’échanger entre eux en échappant aux écoutes... 

Information divulguée vendredi 7 mars par deux journalistes du Monde : sachant qu’il avait été placé sous écoute judiciaire (ainsi que ses anciens ministres de l’Intérieur, Hortefeux et Guéant…), Sarkozy utilisait un « toc » pour converser avec son avocat ! Mais il se serait montré imprudent, permettant ainsi des interceptions indiquant qu’il aurait été tenu informé de l’évolution de l’affaire Bettencourt par un avocat général à la Cour de cassation, plus haute juridiction de l’État (qui a fait l’objet d’une perquisition !), contre une promesse d’intervention pour l’obtention d’une sinécure. 

Une affaire chasse l’autre...Le Monde commente : « tous les ingrédients d’un scandale d’État sont réunis ». Ce n’est pourtant que le dernier épisode en date d’une longue succession, car « Bettencourt, Karachi, Tapie, Kadhafi, sondages de l’Élysée, écoutes Buisson, trafic d’influence à la Cour de cassation… L’avalanche d’"affaires" dans lesquelles apparaît le nom de Nicolas Sarkozy donne le vertige. »Plus tôt dans la semaine avait en effet éclaté le « scandale Buisson » : l’ancien conseiller spécial (et idéologue d’extrême droite) de l’ancien président enregistrait ce dernier en cachette. Les extraits divulgués illustrent un climat de corruption morale, de mépris et haines cuites et recuites, raison pour laquelle Sarkozy a engagé une action en justice en vue d’empêcher de nouvelles fuites.Ces « sarkoleaks » avaient eux-mêmes été précédés de quelques jours par l’affaire Copé­-Bygmalion : le président de l’UMP avait confié l’organisation des meetings de Sarkozy en 2012 à une société dirigée par deux de ses proches et soupçonnée de surfacturation. Cela alors même qu’après l’invalidation des comptes de campagne par le Conseil constitutionnel, les militants de l’UMP avaient été appelés à rembourser l’intégralité de ces dépenses. Les indignations puis « explications » de Copé, lors d’une conférence de presse tenue le lundi 3 mars, l’ont ensuite transformé en objet de risée générale.

Droite choquée, municipales menacéesPour mesurer les conséquences, citons le média sympathisant de référence. Selon le Figaro, « vendredi [7 mars], la plupart des poids lourds de l’UMP, déjà sous le coup des enregistrements de Patrick Buisson, sont restés tétanisés à l’annonce des informations du Monde (…) Certains de ses dirigeants sont ainsi catégoriques. "Cette semaine a fait deux morts : Copé et Sarkozy", estime l’un d’eux (…) Selon un ancien ministre, "l’UMP a atteint un point de non-retour" : "Nos militants sont bien sûr persuadés que tout cela n’est qu’une manœuvre de la gauche, mais sur le terrain les gens sont à deux doigts de nous cracher à la gueule en nous annonçant qu’ils vont voter FN". »Non seulement le « retour » de Sarkozy est ainsi remis en cause, mais les espoirs d’une victoire aux municipales, où le vote FN était moins redouté qu’aux européennes, sont sérieusement ébranlés. La droite comptait sur une sanction envers la gauche au pouvoir, elle craint maintenant d’en faire elle-même les frais.La « guerre des chefs » s’en trouve également relancée. Fillon a tiré une première salve dans une interview au Parisien le lundi 10 mars : « Je me garde donc bien pour le moment de commenter les polémiques touchant notre famille politique (…) Je pense que nous allons gagner ces élections. Cela ne devra pas nous dispenser de nous interroger et pour certains de s’expliquer sur la situation de notre parti. »Du côté du gouvernement et du PS, on commente un peu et on espère mais, c’est notable, sans en faire des tonnes. Il est vrai qu’outre un bilan économique et social catastrophique, l’affaire Cahuzac est encore très proche. L’extrême droite peut-elle alors profiter de cette nouvelle crise ? À nous en tout cas de tout faire pour convaincre les classes populaires que, dans de nombreuses villes, un « vote-sanction » qui sera, lui, véritablement anti-système, est possible avec les listes présentées et soutenues par le NPA.

Jean-Philippe Divès