Publié le Samedi 3 septembre 2016 à 09h20.

Sommet européen : Vieux mythes et sinistre réalité

Fin août, un mini-sommet a réuni Angela Merkel, Matteo Renzi et François Hollande en Italie, sur l’île de Ventotene, lieu symbolique où Altiero Spinelli, journaliste membre du parti communiste, fut déporté par Mussolini et où il écrivit en 1941 son Manifeste pour une Europe unie et libre...

Et c’est de façon tout aussi symbolique qu’ils tinrent leur conférence de presse sur le Garibaldi, porte-avions engagé dans l’opération « Sophia » qui coordonne le contrôle des frontières maritimes contre les migrantEs. Tout un symbole de leur Europe qui prétendait à la démocratie, au bien-être, à la paix, et a le visage de la pauvreté, des inégalités, du drame des migrantEs et de la guerre, tout cela alors que la finance y prospère.

Cette réunion visait à préparer le sommet de Bratislava qui aura lieu le 16 septembre... à 27, sans la Grande Bretagne. Leur problème n’est pas de gérer l’après-Brexit puisque celui-ci n’aura pas lieu avant 2019, alors que la City, plus grande place financière mondiale, continue ses prospères opérations. Elle gère 20 % des actifs des hedge funds mondiaux, 85 % des actifs des hedge funds européens, et héberge 250 banques originaires de 56 pays. Elle est la première place mondiale pour le marché des changes, contrôlant plus de 40 % du marché des devises, première aussi pour les crédits bancaires internationaux, les produits dérivés, les marchés des métaux et de l’assurance. Elle assure 60 % des mouvements financiers européens. Le vote du 23 juin dernier n’y changera rien !

Faux-semblants

Leur vrai problème, c’est eux-mêmes et les conséquences de leur politique. « Le risque majeur, ça vaut pour l’Europe comme pour les nations, c’est la dislocation, la fragmentation, l’égoïsme, le repli », a déclaré Hollande. Il leur faut bien tenter de donner l’impression qu’ils agissent. « Beaucoup pensaient qu’après le Brexit l’Europe était finie. Ce n’est pas le cas », selon Matteo Renzi. La méthode Coué car ils n’ont pas d’autre politique que d’accentuer celle qui a engendré la crise.

Ils n’ont aucune réponse aux drames des migrantEs si ce n’est mettre en place d’ici à la fin de l’année le corps européen des gardes-frontières et garde-côtes, renforcer les frontières pour « accueillir ceux qui doivent l’être » selon la formule de Hollande... Pourtant, selon les chiffres fournis en juin dernier par la Commission européenne dans son dernier rapport d’évaluation sur « l’avancement des programmes de l’Union européenne en matière de relocalisation et de réinstallation d’urgence », seulement 2 280 demandeurs d’asile arrivés en Italie ou en Grèce ont été répartis dans un autre pays européen. À peine 1,42 % de l’objectif décidé en septembre 2015. Les États membres de l’UE, plus la Suisse, s’étaient engagés à accueillir 160 000 migrantEs d’ici au mois de septembre 2017. On en est très loin, mais c’est encore trop. Et, en Hongrie, avant le référendum du 2 octobre qui vise à refuser cette « obligation », Viktor Orbán a annoncé la construction d’une nouvelle clôture anti-migrants.

« Il faut aussi prendre des mesures fortes pour relancer la croissance et lutter contre le chômage des jeunes, et revenir à l’Europe des valeurs, plutôt qu’à celle de la finance », a lancé Matteo Renzi. Hollande a rajouté qu’il « n’est pas acceptable que des grands groupes internationaux puissent dégager des richesses en Europe, et donc des bénéfices, et ne pas être taxés en fonction de ces résultats ».

La continuité de l’hypocrisie et du cynisme…

Yvan Lemaitre