Publié le Vendredi 15 décembre 2023 à 08h00.

« Plan Rwanda » britannique, un gouvernement pris à son propre piège raciste

Le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, et son ministre de l’Intérieur, James Cleverly, tentent de sauver le « plan Rwanda » annoncé par Boris Johnson en avril 2022.

 

Il s’agissait d’une mesure dissuasive contre les candidatEs à la traversée de la Manche sur des embarcations de fortune : les personnes interceptées seraient déportées au Rwanda. Confronté à de nombreuses contestations en justice, le programme n’a depuis jamais été opérationnel.

La Cour suprême retoque le projet du gouvernement

Le 15 novembre dernier, c’est la plus haute juridiction du Royaume-Uni, la Cour suprême, qui s’est opposée au projet gouvernemental, estimant que le Rwanda n’apportait pas les garanties nécessaires de respect du droit international : les personnes qui y seraient expulsées risqueraient un refoulement ultime vers le pays qu’elles ont fui et où leur existence pourrait être en danger.

Les dirigeants britanniques, vantant la fiabilité du pouvoir de Kigali, ont choisi de contourner la décision de la Cour suprême en tentant de faire adopter une législation d’exception permettant de passer outre les dispositions existantes qui pourraient empêcher les expulsions vers le Rwanda.

Le Parlement britannique doit se prononcer alors que sont rédigées ces lignes. Quelle que soit l’issue du vote, on note que le Royaume-Uni n’est pas le premier État avec lequel le Rwanda a négocié ce genre ­d’arrangement. Le Danemark dispose d’un accord comparable sans toutefois l’avoir activé. Plus officieusement, Israël a fait de même entre 2014 et 2017 pour l’expulsion de milliers de réfugiéEs soudanais et érythréens qui cependant furent, dans nombre de cas, rapidement expulsés, après racket, une fois arrivés à destination. Les réserves des magistrats britanniques ne surprennent guère.

Une politique toujours plus raciste et cruelle

On doit également constater l’énormité de l’échec de dix années de politique anti-­immigration pourtant érigée en grande priorité gouvernementale, et toujours plus outrancièrement raciste et cruelle : lois immigration en 2014, en 2016, loi de 2019 sur la fin de la liberté de mouvement post-Brexit, loi Nationalité et Frontières de 2021, et loi Migration illégale de 2023. En 2022, cependant, l’immigration nette était de 745 000 personnes et le nombre de personnes ayant traversé la Manche atteignait les 45 700, faisant de 2022 une année record dans les deux cas.

En tentant de transcrire dans les faits le vacarme anti-immigration entendu depuis la campagne référendaire de 2016, le pouvoir tory se déchire désormais entre sa droite extrême déterminée à pousser des mesures toujours plus violentes, et son aile pro-business, consciente de la nécessité impérative pour le marché du travail britannique d’accueillir la main-d’œuvre manquant en nombre dans des secteurs entiers de l’économie.

Au-delà de ces contradictions, les cohérences restent claires : brutalité toujours plus revendiquée là-bas comme ici, à travers la question de l’immigration, contre le monde du travail et des milieux populaires ; et tranquillité avec laquelle les Tories assument leurs propres entorses à un droit jugé toujours plus encombrant et dispensable. Là-bas comme ici, le monde du travail doit s’opposer à ces lois brutales et inhumaines.