Publié le Mardi 19 mars 2024 à 11h00.

Le RN et les « élites », un trompe-l’œil ?

L’annonce du ralliement, en troisième position de la liste présentée par Jordan Bardella aux Européennes, de l’ex-directeur de l’agence européenne Frontex, Fabrice Leggeri, a été largement commentée. Cette arrivée est vue comme un cap franchi par le RN, désormais capable d’attirer de nouveaux profils, plus professionnels et avec une plus large surface que ce dont le RN bénéficie actuellement. Une étape de plus vers la conquête du pouvoir ?

Jusqu’ici, les hauts fonctionnaires comme Fabrice Leggeri faisaient défaut au RN. Le bide du débat présidentiel Le Pen/Macron en 2017 avait montré des lacunes. Il s’agit maintenant de faire preuve de sérieux. Le RN a ainsi fait monter rapidement l’ex-bras droit de Dupont-Aignan, Jean Philippe Tanguy, dans l’appareil. Ce dernier a été directeur de campagne adjoint en 2022 et est l’actuel président délégué du groupe RN à l’Assemblée. Son passage (furtif) chez Alstom et sa formation ESSEC/Sciences Po sont mis en avant, notamment pour sa candidature à la présidence de la commission des finances.

Les Horaces, le think tank des hauts fonctionnaires à la retraite

En 2016, la mise en place des Horaces, groupe secret de 38 hauts fonctionnaires, censés faire monter en compétences le parti de Marine Le Pen n’a pas donné grand-chose. Libération (27/02/2024) les décrit à juste titre comme des retraités, tricards ou inconnus. Le récent Campus Héméra se veut une école de cadres pour le RN, mais sa faible activité, malgré l’implication du sondeur Jérôme Sainte-Marie, montre une fois de plus des faiblesses. Parmi ses invités, on compte l’ex-patron de la DST (ancêtre de la DGSI), à classer au rang des retraités, le sociologue Michel Maffesoli, plutôt inconnu du grand public mais surtout controversé dans le milieu de la sociologie. L’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, est vu comme une prise de choix mais lui aussi est retiré des affaires et en profite pour se lâcher.

L’arrivée de Leggeri reste dans cette veine puisque, démissionnaire de Frontex à la suite d’une enquête de l’agence européenne antifraude, celui qui reste administrateur civil n’en est pas moins grillé dans son milieu. Par le passé le FN avait aussi quelques têtes de pont issues du haut du tableau avec Mégret passé par polytechnique et Le Gallou à l’ENA.

Le RN en concurrence avec LR

L’arrivée de cadres étatiques au RN peut s’accélérer, d’autant qu’il est en capacité de leur assurer une rétribution (emploi ou mandat). La captation de ce genre de profils a lieu dans un duel avec LR, signe de l’affaiblissement de ce dernier et de l’intégration du RN aux élites tant décriées officiellement. La prise de quelques figures mineures n’est qu’une illustration de ses possibilités maintenant de pénétrer l’appareil d’État, mais aussi les milieux économiques (en dépassant le stade du petit patronat) et culturels. Bardella a ainsi été reçu de façon très cordiale par une compagnie de CRS varoise bien au-delà du simple droit d’entrer des parlementaires. Marine Le Pen a publié le 29 février une tribune sur les finances publiques dans les Échos et entend ainsi parler aussi au grand patronat. Il lui est même possible de s’afficher publiquement avec Proglio, l’ancien patron d’EDF. Ces rapprochements placent le RN en porte-à-faux avec son discours pseudosocial, ce qui est toutefois sans incidence sur son électorat. Le danger premier reste son influence diffuse sur les strates intermédiaires et leurs capacités d’accompagner son développement. À suivre…

Commission nationale antifasciste