Publié le Samedi 25 mai 2013 à 08h48.

Grèce : une mobilisation trahie

Dans toutes les manifestations contre le mémorandum, les enseignants du secondaire ont formé un bloc combatif, regroupés dans leur syndicat OLME. Frappés comme tous les salariés, ils étaient particulièrement montrés du doigt par le gouvernement de la « troïka intérieure » (droite, Pasok, Dimar, une scission droitière du Synaspismos).Juste avant Pâques ont été annoncées des mesures pour septembre : allongement de deux heures de l'horaire hebdomadaire, et nomination loin de leur domicile de milliers d'enseignantEs… en remplacement des 10 000 vaca­taires et non-titulaires qui seront licenciés à la rentrée. Une décision cynique du gouvernement : en annonçant tardivement cette mesure, Samaras et ses complices comptaient profiter de la « trêve » que constitue la période des examens finaux du lycée (où le bac est une sorte de concours hyper sélectif et coûteux pour les familles).Dans un premier temps, la direction d'OLME, avec un président membre du courant de la droite, a réagi dans l'esprit des participations aux mobilisations des trois dernières années : elle a proposé la grève au moment des examens ! Fureur du gouvernement et campagne de presse d'une rare haine, refus des confédérations réformistes d'une grève de soutien. La proposition de la direction était soutenue par toutes les tendances d'OLME… sauf celle du KKE (PC grec) dont la jeunesse expliquait sans rire que le rôle du jeune communiste était de réussir ses examens.

Un mouvement stoppé netDès le mardi 14 mai, on a senti que quelque chose bougeait enfin, dans une situation où le pessimisme gagne ces derniers temps : plus de 20 000 syndiquéEs (sur 86 000 enseignantEs) ont participé aux AG locales, votant à 92 % pour une grève dont on savait qu'elle serait dure, puisque déjà, Samaras avait ordonné la réquisition des enseignants pour faire passer les examens. Stupeur évidente du ministre de l’Éducation devant ce fantastique vote, début d'un mouvement de fond de solidarité dans le pays et au-delà (le SNES-FSU a ainsi envoyé un message de soutien à la grève).C'est cela qui a fait peur aux bureaucrates de la direction d'OLME : dirigeants issu de la droite, du Pasok et même de Syriza ont alors multiplié les manœuvres lors de la réunion nationale du 15 mai avec les présidents locaux d'OLME, faisant voter un oui massif à la grève… mais ajoutant une question sur sa faisabilité : 18 pour, 9 contre, 57 abstentions. Un résultat que la direction a aussitôt traduit en report de la grève, sans fixer aucune autre date.Stupeur généralisée chez les enseignants et dans le mouvement de soutien qui grossissait (une énorme manifestation avait eu lieu dès le lundi 13 dans le centre d'Athènes). Un sentiment de véritable trahison, dont les conséquences sont incalculables pour le syndicat, capitulant sans même mener la lutte. Une expérience concrète du fossé entre les discours très à gauche de Syriza et une réalité, qui est que les bureaucrates s'en revendiquant trahissent. Seules les forces anticapitalistes, en particulier autour d'Antarsya, ont appelé sans recul à la grève, qui était la seule réponse crédible. Démocratie et combativité sont indispensables pour dépasser ce gâchis, avec des leçons à discuter collectivement.

D’Athènes, A. Sartzekis