Publié le Vendredi 29 mars 2013 à 10h29.

Chypre : le peuple paye la note

Le mouvement populaire a finalement eu raison de la pire des mesures du premier plan européen pour Chypre : la taxation des petits dépôts bancaires. Néanmoins des lendemains très difficiles s’annoncent pour les Chypriotes. Selon le plan adopté dans la nuit du dimanche 24 mars, les deux principales banques chypriotes vont être restructurées et la banque Laiki (deuxième du pays) va fermer. Les détenteurs de comptes supérieurs à 100 000 euros vont perdre au moins 40 % de leurs avoirs : ce sont pour une large part des fraudeurs fiscaux, russes souvent. Mais des entreprises locales vont être touchées et la seule banque Laiki représente 8 000 emplois. Chypre va connaître une récession majeure. Chypre s’inscrit dans la crise financière européenne globale, combinant crise de la dette et fragilité des banques tandis que la spéculation continue de faire rage. Les événements prennent la figure de crises nationales successives avec chacune leurs spécificités mais l’arrière-plan est le même. En Irlande, au Portugal, en Espagne, les peuples ont payé chèrement les crédits accordés. À la Grèce est imposée une austérité encore plus forte et devant la charge écrasante que représentait la dette, elle a été partiellement effacée, obligeant les créanciers à mettre un peu la main à la poche. Le puits sans fond de la financeLes banques chypriotes sont totalement disproportionnées par rapport au pays car elles se sont transformées en gigantesques lessiveuses à argent sale (notamment russe). Vu leur taille, l’État chypriote était bien en peine de les renflouer. L’Union européenne a trouvé la « solution » le 16 mars dernier : un prêt de 10 milliards d’euros accompagné d’une taxe sur tous les dépôts bancaires. Jusqu’à présent, l’argument pour sauver les banques étaient la sauvegarde des économies des particuliers. Maintenant, on sauve les banques (sans rien demander à leurs actionnaires) et on prend dans les économies (y compris dans les petits comptes) ! C’est ce plan que la pression populaire a fait écarter. Certes, Chypre est un paradis fiscal et un havre pour les capitaux sales mais c’était connu lors de son adhésion à l’Union européenne en 2004. Et il n’y a aucune raison de le faire payer aux petits déposants chypriotes. Mais le peuple chypriote n’a pu aller au-delà de cette première victoire. Avec le nouveau plan du 24 mars, les spéculateurs vont perdre un peu et les travailleurs chypriotes beaucoup. Les plus gros déposants ont déjà sans doute transféré ailleurs ce qu’ils ont pu et Chypre ne représentait qu’une partie de leurs placements. Il y a bien d’autres paradis bancaires ! Au lieu de consacrer des fonds européens à la reconversion de l’économie pour sauver les emplois, les 10 milliards de crédits vont se perdre dans le puits sans fond de la finance. « L’Europe veut fermer le casino » titre Libération du lundi 25 mars. Quelle hypocrisie : une petite succursale ferme mais le business continue. Si on veut en finir avec l’argent sale et la fraude, il faut confisquer les avoirs des spéculateurs, socialiser les banques et mettre fin à la liberté de spéculation des ­capitaux. « Cela va prendre au moins dix ans pour retrouver notre niveau de vie » a déclaré lundi l’ancien gouverneur de la banque centrale de Chypre. Il faudra bien d’autres mouvements populaires et des changements politiques majeurs pour imposer la fermeture totale du casino financier mondial. Henri Wilno