Publié le Dimanche 31 mars 2013 à 17h15.

Catastroïka

Entretien. Licencié par la radio dans laquelle il travaillait en raison de ses opinions, Aris Chatzistefanou est un journaliste grec engagé, un militant social et politique. Également coréalisateur des documentaires Debtocracy et du tout récent Catastroïka, il était la semaine dernière en tournée en France pour faire la promotion de ce dernier film.

Peux-tu nous expliquer brièvement de quoi traite ce nouveau documentaire ?Tout simplement des conséquences de la liquidation totale de la Grèce. Avec le consentement et la complicité du gouvernement grec, la troïka impose au pays un énorme programme de privatisations. Il s’agit en réalité d’une opération de liquidation de la richesse publique. Le documentaire revient sur des exemples de privatisations dans des pays développés comme la France, les USA, l’Angleterre…Ce documentaire a comme point de départ la liquidation de services publics en Russie et à l’ex-RDA, suite à l’effondrement du mur de Berlin. Ce ne sont pas des cas de privatisations exceptionnelles mais des formes « extrêmes » du même système de privatisation qui s’applique encore aujourd’hui aux USA, en Angleterre ou en France… Nous passons en revue les conséquences désastreuses des privatisations pour la population des pays en question sur la politique de tarification, la qualité des services offerts et la sécurité. Catastroïka essaie donc de prévoir ce qui va se passer si le même modèle s’applique à un pays sous surveillance économique, comme la Grèce.Comment avez-vous financé le tournage de ce documentaire militant ? Et quels sont vos futurs projets ?Catastroïka et Debtocracy étaient entièrement financés par les citoyens sous une forme de souscription en ligne. Il s’agit de deux documentaires avec permission de libre distribution et retransmission. Les deux documentaires sont disponibles en ligne et sous-titrés en plusieurs langues1.Notre prochain travail portera sur les liens entre l’extrême droite et les centres économiques. Il sera financé de la même façon par les gens et on espère que le public français, en particulier les lecteurs de votre journal, y contribueront ! Nous vous tiendrons au courant quand la souscription débutera.Tu viens d’achever une tournée de cinq projections-débats en France. Peux-tu nous en dire quelques mots ?Cette tournée a été organisée à l'initiative des travailleurs et des étudiants grecs de Paris, de Lyon, de Grenoble et par les collectifs contre la dette CAC de Toulouse et de Strasbourg. Nous avons effectué des projections du documentaire suivies de débats très intéressants. Le public était très intéressé par notre travail sur la question des privatisations en Grèce comme en France. Des syndicalistes de plusieurs entreprises françaises privatisées sont intervenus pour expliquer les problèmes de privatisation dans ce pays.D’un point de vue plus général, la perception du public de l’Union européenne est en train de changer, en particulier dans les pays qui sont confrontés aux mêmes problèmes financiers que la Grèce dans le cadre de la zone euro. Je fais référence aux programmes de privatisations imposés par la troïka aux autres pays comme par exemple au Portugal. De plus, une partie des discussions a tourné autour de la situation en Grèce, les problèmes actuels de Chypre, la résistance sur place contre les chantages de la troïka. Chaque citoyen doit comprendre que nous sommes tous victimes des mêmes politiques et que chaque nouveau prêt proposé à un pays endetté, comme la Grèce, le Portugal, Chypre ou l’Irlande… rapproche ce pays de plus en plus de la soumission financière et politique aux diktats de la troïka. Cette situation risque de frapper le cœur de la zone euro et par conséquent la France peut aussi être concernée rapidement. Ainsi, la meilleure façon pour chaque citoyen est de se soulever contre son propre gouvernement si celui-ci décide ce genre de politique.Où en est la résistance du peuple grec aujourd'hui ?La population en Grèce ne fait pas face à une situation de crise mais plutôt à une situation de « guerre ». Je dis cela parce que depuis l’arrivée de la troïka et de ses politiques, l’espérance de vie a reculé de cinq ans dans le pays. Le PIB a diminué ces cinq dernières années de plus de 20 %. De tels chiffres ont été enregistrés en Grèce seulement durant la Seconde Guerre mondiale et la Guerre civile.En ce moment, il n’y a pas de manifestation tous les jours comme il y en avait il y a deux ans par exemple. Mais de nouvelles mesures de régression seront adoptées par la troïka et le gouvernement et je pense, parce que je suis une personne optimiste, que la population résistera à nouveau de façon combative. Le moment venu, la solidarité internationale avec le peuple grec sera alors très importante.Propos recueillis par Foivos Marias1. http://www.catastroika.com/indexfr.php et http://www.debtocracy.gr/indexen.html