Publié le Jeudi 8 mai 2014 à 21h27.

Sanofi « Redonner aux salariéEs l’envie de se battre, leur faire comprendre que l’entreprise est à nous »

Entretien. Pas de haka ni de chansons vengeresses, mais une délégation de salariéEs de Sanofi venuEs crier leur colère à l’Assemblée des actionnaires ce lundi 5 mai, dans les salons de la Porte Maillot. Pour dire aux actionnaires qu’il est inacceptable que chez Sanofi, première entreprise du CAC 40 avec des dividendes qui ont plus que doublé en 7 ans, l’emploi soit une variable d’ajustement. 4 000 postes de chercheurEs et de technicienEs ont été supprimés en 3 ans sur le seul continent européen. Nous y avons rencontré Sandrine Caristan, salariée en lutte pour la défense des emplois chez Sanofi... et partout en France !

Les Sanofi de retour à Paris, pourquoi ?La première raison, c’est le dépôt d’une requête sommaire au tribunal administratif de Versailles pour contester la validation par la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) du plan de restructuration dans le cadre de la loi compétitivité-emploi. Pour nous, un moment fort et symbolique de voir nos propres noms sur l’assignation, à la date anniversaire de notre combat, 22 mois très précisément. La seconde raison c’est la tenue de l’assemblée générale des actionnaires de Sanofi. Notre mode d’action est d’être présents partout où l’on peut être. Pour faire entendre notre lutte, informer les citoyens, dénoncer les injustices, le capitalisme et les patrons voyous. Mais surtout redonner aux salariéEs l’envie de se battre, leur faire comprendre que l’entreprise est à nous, qu’il faut se prendre soi-même en charge quand les syndicats sont dans l’accompagnement et ont déposé les armes. Même les syndicats dits de lutte.

Sur quoi repose votre assignation au tribunal de Versailles ?Nous attaquons principalement sur le fait d’une discrimination entre les salariéEs au niveau de l’égalité de traitement dans les reclassements. On attaque le caractère artificiel et opportuniste des catégories professionnelles, le fait que la Direccte a confondu examen restreint et examen superficiel ! L’objectif de notre action en justice n’est pas d’invalider l’accord signé par la CFDT et la CFTC mais de faire annuler l’intégralité du plan en invalidant la décision de la Direccte qui invaliderait l’ensemble de la procédure. On devrait avoir une date d’audience dans les 3 prochains mois.

Concrètement, où en sont les plans de restructuration du groupe ?Le plan en route en ce moment concerne la recherche et ce n’est pas fini. Mais il ne faut pas se leurrer : la production va bientôt être touchée, surtout la production chimique. Par exemple, le fait que Sanofi cherche à vendre ses produits matures (médicaments ayant fait leur preuve ou ayant une longue expérience clinique) n’augure rien de bon pour les sites qui les fabriquent.

Où en sont les mobilisations sur les différents sites ?Alors là on attaque un très gros problème. Aujourd’hui la mobilisation est quasi nulle, et on observe cela dans un grand nombre d’entreprises. Par la faute de la scandaleuse loi de flexi-­sécurité, dès que les organisations syndicales entament les négociations avec les directions, elles n’appellent plus à la mobilisation. C’est exactement ce qui s’est passé sur Sanofi. Et cela de la part de tous les syndicats représentatifs, même ceux qui crient haut et fort être « de lutte ». Un groupe de salariéEs a décidé de prendre son avenir en main. Il faudrait que ça change, que les syndicats écoutent enfin les salariéEs et arrêtent de croire que les combats ne se gagnent que dans les salles de réunion de négociations mais aussi et surtout dans la rue. La direction a une stratégie claire : occuper un maximum de temps les instances représentatives par un nombres impressionnant de réunions diverses et variées, empêchant les organisations syndicales d’être présentes sur les sites et donc de communiquer efficacement les informations aux salariés. Le pire est que ces même représentants du personnel tombent dans le panneau et passent le plus clair de leur temps avec la direction plutôt qu’avec les salariéEs, se donnant ainsi l’impression d’avoir un pouvoir de décision qu’ils n’ont pas.

Quelles sont les prochaines échéances ?Le 13 mai ! On organise une Assemblée générale sur le site de Montpellier à laquelle nous invitons tous les salariéEs du groupe, la presse, les organisations politiques, etc. À cette occasion, nos avocats vont descendre sur Montpellier pour expliquer aux salariéEs la démarche initiée. L’objectif est la transparence, l’information et pourquoi pas rassembler d’autres salariéEs en tant que partie prenante de la démarche juridique. Pour la suite, nous attendons le retour de la date d’audience et, à cette occasion, nous monterons, là aussi, à Paris pour y assister. On a encore d’autres possibilités juridiques, mais ça, on verra en fonction du résultat de l’action en cours. Parallèlement, essayer de prendre la parole lors des meetings pour les élections européennes, toujours pour dénoncer et alerter la politique destructrice d’emploi du cas emblématique de Sanofi. Nous avons déjà pris contact avec Philippe Poutou pour le NPA et aussi avec le Front de gauche.

Propos recueillis par Robert Pelletier