Publié le Mercredi 9 mars 2016 à 16h46.

MigrantEs : Sordides marchandages pour construire l’Europe forteresse

« La vague de migration clandestine vers l’Europe est terminée ». C’est cette phrase, aussi brutale  que menaçante, que le président du Conseil européen Donald Tusk a choisie pour annoncer les décisions prises dans la nuit de lundi 7 à mardi 8 par les dirigeants européens en matière de règlement de « la crise des migrants ».

Cette véritable déclaration de guerre contre celles et ceux qui fuient les zones de combats est assumée par l’ensemble des dirigeants européens, laissant peu de doutes sur un inévitable renforcement de la répression et la mise en danger de populations entières.

Un marchandage honteux avec le dictateur Erdogan

Pièce maîtresse du dispositif qui sera mis en place, la Turquie se voit attribuer un rôle de choix, celui de premier flic dans le contrôle des frontières du sud-est de l’Europe. Pour ce faire, elle pourra compter sur l’appui militaire de l’OTAN dont la logistique sera mise à sa disposition. Gageons qu’Erdogan pourra tout à loisir continuer sa répression sanguinaire contre ses opposants, contre le peuple kurde, ainsi que ses trafics en tout genre avec Daesh, notamment en matière de pétrole.

Peu regardants quand ça les arrange en matière de défense des droits humains, les dirigeants européens ont également sans sourciller accédé aux exigences financières d’Ankara, élevant la facture à 6 milliards d’euros. Petite prime en cadeau pour ses bons et loyaux  services, les visas nécessaires aux citoyens turcs  pour se rendre en Europe vont être supprimés, et les négociations en vue de l’intégration de la Turquie dans l’Union européenne vont être abordées avec un regard bienveillant.

Grands seigneurs, les 28 pays de l’Union européenne s’engagent à accueillir... 70 000 réfugiéEs syriens (à l’exclusion de toute autre nationalité...) pour autant qu’ils aient été dûment répertoriés par les autorités turques.

La Grèce sous pression

Commentant lui aussi la conférence, David Cameron a assuré que « tous les migrants arrivés en Grèce, y compris les réfugiés syriens, seront renvoyés en Turquie » Une telle disposition, si elle était confirmée le 17 mars prochain, date de la prochaine réunion européenne sur la question, impliquerait directement la Grèce dans la répression active des migrantEs.

Mais face à un mouvement de solidarité  populaire très fort avec les migrantEs, le gouvernement grec est-il prêt à assumer à son tour le rôle de gendarme de l’Europe à ses frontières ? Est-il prêt à accepter que le pays se couvre de camps de concentration en échange d’une réduction substantielle de sa dette ?

Non à l’Europe négrière !

Face à la « crise des migrants », l’Europe entière vacille, cédant aux pires tentations inspirées par le nationalisme, le racisme et la xénophobie. Responsable pour grande partie des désordres régionaux et des guerres incessantes depuis la première guerre d’Irak, elle n’a plus d’autre perspective que de s’enfoncer toujours plus dans l’exclusion, la militarisation de ses frontières et le non- respect des droits humains les plus élémentaires. Le sordide marchandage auquel se livrent les dirigeants européens ne poursuit qu’un seul objectif : renforcer l’Europe forteresse, protéger les pays du Nord des hordes prétendument barbares censés la déstabiliser, en créant des États « garde-chiourme » (la Turquie et la Grèce) à qui on confie le soin de parquer et de réprimer les migrantEs et réfugiéEs.

Cette politique est aussi inhumaine que vaine : aucune frontière n’est infranchissable, et jamais on n’empêchera durablement des femmes et des hommes fuyant les guerres et la misère de tenter de rejoindre des territoires où ils estiment être plus en sécurité.

Le devoir de s’insurger. Toute et tous dans la rue le 19 mars !

Notre responsabilité d’internationalistes est engagée, quel que soit notre pays ! Elle est engagée en premier lieu bien sûr par l’aide immédiate que nous devons apporter d’urgence aux migrantEs qui luttent ici en France, mais elle l’est aussi à un niveau européen, aux côtés de toutes celles et ceux qui refusent de voir ce continent se transformer en une gigantesque forteresse.

C’est la raison pour laquelle, sur l’ensemble du continent, nous manifesterons le samedi 19 mars pour dire non à l’Europe forteresse, pour exiger un traitement et des conditions d’accueil humaines des réfugiéEs et des migrantEs, pour le droit de circuler et de s’installer. Contre le racisme, la xénophobie et le fascisme, pour une Europe de l’égalité et de la solidarité !

Alain Pojolat