Publié le Mercredi 17 juin 2020 à 08h43.

Contre Macron et ses flics, le combat continue

Après le succès du rassemblement du mardi 2 juin devant le TGI de Paris, le comité Adama a réussi son pari avec la formidable mobilisation du 13 juin, à Paris, contre le racisme et les violences policières. Des dizaines de milliers de personnes se sont ainsi retrouvées sur la place de la République et, bien que le préfet Lallement ait une fois de plus joué la stratégie de la tension en interdisant au dernier moment la manifestation, le rapport de forces continue d’être construit.Plusieurs dizaines de milliers de personnes sur une place de la République que l’on n’avait pas vue depuis des années aussi remplie : les défenseurs de l’ordre policier et raciste ont dû avoir quelques sueurs froides. Et ce n’est pas l’action menée par Génération identitaire, qui a déployé une banderole dénonçant le « racisme anti-blanc » sur le toit d’un immeuble, qui démentira le succès de cette journée, même si la confiance manifeste de l’extrême droite dans l’une de ses versions les plus radicales doit nous interpeller.

Polarisation

Le mouvement qui s’est enclenché en France, en écho à ce qui se passe aux États-Unis depuis l’assassinat de George Floyd par la police de Minneapolis, a installé dans le débat public la thématique des pratiques violentes de la police et, au-delà, celle des discriminations systématiques, institutionnelles, dont sont victimes les populations racisées. Ce faisant, la mobilisation contribue à dévoiler un peu plus les positions des uns et des autres, et l’on assiste, de toute évidence, à un phénomène de polarisation autour de la question des violences policières.

L’extrême droite et la droite extrême jouent, sans surprise, leur partition, et se posent en meilleurs défenseurs des policiers (version Marine Le Pen ou Éric Ciotti) et des blancs (version Génération identitaire et Marion Maréchal). La plupart des éditorialistes sont contraints de reconnaître que la massivité des mobilisations témoigne de l’existence d’un « problème » bien réel, mais s’offusquent lorsqu’ils entendent prononcer les mots « racisme systémique » ou « police raciste ». À l’arrivée, tout en concédant quelque légitimité aux revendications portées dans les manifestations, ils se placent néanmoins du côté de l’ordre établi.

Les (faux) pas en avant du pouvoir

Du côté du pouvoir, une fois de plus incapable de gérer une crise, des signaux contradictoires ont été donnés dans un premier temps : d’un côté, le discours de Castaner prônant la fin de l’utilisation de la clé d’étranglement ou la suspension des policiers coupables de racisme, et l’intervention de Macron auprès de la ministre de la Justice pour qu’elle se penche sur le cas d’Adama Traoré ; de l’autre, une défense de l’institution policière, une dénonciation des « violences » des manifestantEs, un refus d’autoriser les manifestations. Mais cet intenable « en même temps » macronien n’a pas duré, et les masques sont vite tombés.

Il aura suffi que les syndicats policiers aboient un peu plus fort que d’habitude pour que le pouvoir, également sous la pression de l’extrême droite, en reviennent aux fondamentaux, quitte à se dédire, comme dans le cas de Christophe Castaner qui a « dû » revenir sur l’interdiction de la clé d’étranglement. Et c’est Macron lui-même qui a sifflé la fin de la récré le 14 juin, assurant la police de son soutien total, n’ayant pas un mot sur les violences policières et parlant de « communautarisme » et de « séparatisme » à propos des manifestantEs.

Assumer la radicalité

Aucune forme de déception, bien évidemment, car on n’en attendait pas moins d’un gouvernement affaibli et dépendant de ses bonnes relations avec la police, sur-sollicitée pour faire taire la contestation sociale. Celles et ceux qui ont cru voir autre chose que de la fébrilité du côté du pouvoir, pronostiquant des décisions satisfaisant, même partiellement, les aspirations des manifestantEs, en sont pour leurs frais. Macron et les siens ne sont en dernière instance que le personnel politique des classes dominantes et, en aucun cas, ils ne lâcheront les flics, piliers essentiels du maintien de l’ordre capitaliste.

Ce retour aux fondamentaux montre l’ampleur du chemin qui reste à parcourir dans la construction du rapport de forces. Les collectifs contre les violences policières, au premier rang desquels le comité Adama, ont montré leur force d’attraction, leur détermination et leur capacité à garder le cap malgré les pressions et les attaques ordurières, et nous continuerons de leur apporter tout notre soutien. Reste à savoir si l’ensemble de la gauche sociale et politique est prête à se joindre pleinement à la lutte, sans tentation substitutiste et en assumant la nécessaire radicalité du combat face à des flics de plus en plus déchaînés, un pouvoir autoritaire et une extrême droite plus que jamais en embuscade.