Publié le Mardi 7 mai 2024 à 10h34.

La France médaille d’or du travail gratuit

Les Jeux olympiques ne pourraient pas avoir lieu sans les 45 000 bénévoles embauchés par Paris 2024. Les syndicats y voient les signes d’une fraude massive, avec l’aval du gouvernement.

 

Dans son Guide pratique à l’usage des organisateurs de grands évènements sportifs, opportunément publié à quelques mois de l’évènement, le ministère du Travail offre en effet un véritable mémento listant les trucs et astuces pour éviter d’avoir à appliquer le code du travail aux volontaires recrutés pour l’occasion. Outre l’économie sur les salaires, cotisations et frais de transports, Paris 2024 va s’affranchir de la réglementation sur les accidents du travail, dont la prise en charge reposera non sur la Sécurité sociale mais sur les assurances privées souscrites (ou pas) individuellement.

Du bénévolat avec lien de subordination, ça s’appelle du salariat

Pourtant les indices du travail dissimulé sont flagrants. Ainsi, les missions sont précisément définies et soumises à formation obligatoire ; le port de l’uniforme est imposé ; une durée minimale ­d’engagement est exigée ; le travail sera encadré par des chefs d’équipe ; la durée des missions et les horaires de travail ne sont pas libres et feront l’objet de plannings impératifs ; l’accréditation ou l’uniforme pourront être retirés en cas de violation de la charte du volontariat, qui ressemble furieusement à un règlement intérieur.

C’est tout l’inverse du vrai bénévolat : celui-ci doit reposer sur le bon vouloir de la personne qui peut venir et partir quand elle le choisit, sans lien de subordination avec le bénéficiaire.

Cerise sur le gâteau, le travail des volontaires va profiter à des entreprises privées comme Omega, horloger de luxe et chronométreur officiel. Les missions de notation, de chronométrage, de tableau d’affichage et de statistiques seront ainsi exercées bénévolement, alors qu’elles sont intrinsèques aux Jeux olympiques fondés sur la comparaison des ­performances.

Prêt de main-d’œuvre

De son côté, Sanofi, un des sponsors des Jeux qui accueillera les flammes olympique et paralympique dans quatre de ses sites, fournira le plus gros contingent de bénévoles, avec 2 024 volontaires recrutés parmi... ses propres salariéEs, qui exerceront leurs missions en partie sur leur temps de travail et en partie sur des congés payés accordés pour l’occasion ! Outre le fait que le code du travail interdit de travailler pendant ses congés (puisqu’il s’agit de repos), la mise à disposition de ­salariéEs au bénéfice d’une autre structure qui va en tirer profit peut caractériser le prêt de main-d’œuvre, voire le ­marchandage.

Paris 2024 compte sans doute sur l’esprit olympique de bénévoles, priéEs de ne pas gâcher la fête par des revendications ou actions judiciaires intempestives. Pourtant, selon les syndicats, la rémunération de 45 000 personnes à temps plein pendant un mois au SMIC n’aurait coûté que 100 millions d’euros et 1 % du budget des Jeux olympiques. Mais les valeurs de l’olympisme s’arrêtent manifestement là où commencent les droits sociaux.