Publié le Dimanche 22 décembre 2013 à 17h50.

Commerce : « Nous avons sauvé l’OMC »

C’est par ces mots que Karel De Gucht, le commissaire européen au commerce, a salué l’accord négocié à Bali par les 160 pays membres de l’OMC. Une façon de se rassurer…

En effet, les échanges commerciaux stagnent (+ 0,02 % en 2012), et surtout cet accord ne concerne qu’une fraction de l’agenda du « cycle de développement » initié à Doha il y a 12 ans, et pas du tout le développement.L’accord de Bali concerne les subventions à l’agriculture des pays émergents, notamment un programme indien destiné fournir à 800 millions d’Indiens pauvres des denrées alimentaires de base à prix accessibles. Selon les règles de l’OMC, de telles pratiques sont assimilables au dumping, faussant la concurrence, et sont donc strictement limitées. Pourtant, selon l’OCDE, les subventions agricoles au sein des pays développés sont passées de 350 milliards de dollars en 1996 à 406 milliards en 2011. Intitulé « clause de paix » (!) par le gouvernement américain, l’accord finalement trouvé se contente de se donner quatre ans… pour trouver un accord, l’Inde s’engageant entre-temps à ne pas exporter ses produits alimentaires qu’elle va continuer à subventionner. Négociation absurde car aucun pays ne devrait renoncer à l’obligation de garantir le droit à l’alimentation.

Et qui sont les gagnants ?L’accord de Bali porte également sur la « facilitation des échanges », en fait des mesures de standardisation et de simplification des procédures douanières. Elles impliquent l’achat d’équipements coûteux par tous les pays, mais elles profiteront à quelques grandes multinationales. Le Rapport sur le commerce mondial 2013 de l’OMC indique que 1 % des entreprises d’import-export concentrent 80 % des exportations américaines, que 85 % des exportations européennes sont dans les mains de 10 % de grands exportateurs et que les 5 plus grandes entreprises d’import-export des pays en développement sont en charge de 81 % de leurs exportations. L’accord de facilitation des échanges va donc surtout profiter à ces multinationales et au secteur privé, alors que sa mise en œuvre va terriblement peser sur les budgets des pays les plus pauvres.Un point positif : au prix d’une longue négociation, Cuba a réussi à faire intégrer dans la déclaration ministérielle le rappel du principe de non-discrimination commerciale, violé par les États-Unis avec l’embargo contre Cuba.Il est temps que les peuples imposent des règles commerciales défendant non pas les multinationales, mais les droits des êtres humains et de la nature.

J.R.