Publié le Samedi 7 décembre 2013 à 14h32.

Centrafrique : la Françafrique en accusation

De nouveau, la France va jouer son rôle de gendarme de l’Afrique en envoyant 800 soldats supplémentaires (400 soldats déjà présents) en Centrafrique ravagée par les violences de la Seleka. Dans son rôle de sauveur des populations, la France cache mal sa responsabilité dans la faillite de ce pays.

L’annonce de l’intervention n’est pas une surprise puisque, il y a une quinzaine de jours, les troupes d’élite de la 11e brigade parachutistes étaient sur place pour préparer le terrain 1 dans ce petit pays qui compte 5 millions d’habitants.La République centrafricaine est certainement l’archétype de la Françafrique puisque Paris n’a cessé de mettre ou de démettre les dictateurs. Tout le monde se souvient de la dictature ubuesque de Bokassa, mais les autres ne valaient guère mieux. En 2003, avec l’aide du Tchad, la France installe militairement Bozizé qui ne cessera d’enfoncer son pays dans la crise, confortant le pouvoir de son clan en réprimant l’opposition. En 2011, Bozizé organisera une farce électorale qui recevra l’assentiment de Paris. À force de soutenir des dictatures africaines, La France bloque toute possibilité de vie démocratique et de changement, les seules issues restant des coups de force violents dont souvent les premières victimes sont les populations civiles.

Réplique du coup d’ÉtatSi la Centrafrique est hélas habituée aux coups d’État, le dernier est certainement le plus meurtrier. En effet, la Seleka (« coalition » en langue Sango) qui s’est emparée du pouvoir est un regroupent hétéroclite de plusieurs rebellions rivales présentes dans le nord du pays. Elle est majoritairement composée de Tchadiens et de Soudanais.La victoire de la Seleka s’explique parce que Bozizé a été lâché par les Tchadiens et les Français qui n’ont apprécié ni sa volonté de s’émanciper de son parrain de N’Djamena ni son idée d’octroyer aux Chinois la prospection pétrolière du site de Boromata. Le nouveau dirigeant Michel Djotodia n’a quasiment plus aucune prise sur ces milices qui, en l’absence de chaînes de commandement, se livrent aux pillages et commettent les pires exactions contre les populations.De plus, la grande majorité des membres de la Seleka sont musulmans et ciblent les populations chrétiennes qui à leur tour exercent des représailles contre les populations musulmanes. Une fois de plus, les tensions communautaires ou religieuses sont exacerbées par des dirigeants, parmi des populations qui avant vivaient en bonne entente. Le gouvernement français a parlé de situation pré-­génocidaire, ce n’est pas le cas. Un génocide est la conséquence d’une politique délibérée de discrimination et de haine contre une partie de la population s’accompagnant d’une idéologie précise, comme au Rwanda où pendant des années une politique de stigmatisation à l’encontre des Tutsi a eu lieu. Le Quai d’Orsay devrait le savoir… pour y avoir participé. Par contre le risque est réel que ces cycles de violences inter­communautaires et religieuses puissent s’aggraver et se généraliser.Avec Bozizé, la situation sociale et sanitaire des populations était catastrophique. Aujourd’hui elle ne cesse d’empirer, la quasi-totalité des populations sont en situation de pénurie alimentaire et le peu d’infrastructure hospitalière a été complètement détruit.

Les raisons de l’interventionDans le dispositif impérialiste mondial, la France continue à jouer son rôle de gendarme de l’Afrique francophone. Après la Côte d’Ivoire, la Libye, le Mali, elle s’apprête à intervenir en Centrafrique.De l’aveu même des dirigeants français, au-delà des déclarations humanitaires, une Centrafrique laissée aux milices serait une zone idéale pour les djihadistes et menacerait de nouveaux les intérêts des multinationales dans la région.Mais soyons sûrs que le gouvernement français saura joindre « l’utile à l’agréable »… Déjà les réseaux de la Françafrique se sont activés depuis le renversement de Bozizé. C’est ainsi que le spécialiste de la peinture flamande du XVIIe siècle, Claude Guéant, a visité le nouveau maître du pays pour lui vendre du matériel de sécurité 2, tout comme Jean-Christophe Mitterrand.Maintenant que les troupes françaises sont bien présentes en Centrafrique, elles pourront aussi sécuriser le site de Bakouma, où Areva aura le plaisir d’exploiter le site d’uranium… dans le cadre évidement de l’aide au développement !

Paul Martial1- http ://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Exclusivite-la-France-renforce-son-dispositif-militaire-en-Centrafrique-2013-11-13-10601332- http ://www.afriquesenlutte.org/communiques-luttes-et-debats/livres-etudes-debats/article/francafrique-les-caciques-de-la