Publié le Vendredi 22 mars 2013 à 10h36.

Logement : interdire les expulsions

Le gouvernement a reporte la fin de la trêve hivernale au 30 mars. Il était difficile de faire moins, vu le froid et la neige. Ce report de 15 jours de la date des possibles expulsions souligne l’extrême précarité de celles et ceux qui sont sous le coup d’une décision de justice, qui craignent la venue de l’huissier, de la police, qui peuvent voir en un instant leur monde basculer, comme leurs affaires jetées sur le trottoir. Le 30 mars, les expulsions locatives vont pouvoir reprendre. Cécile Duflot s’était engagée à ne plus faire dépendre du froid la politique de l’hébergement. Manifestement on en est encore là !Le prix humain et financier de l’expulsion Les lieux d’hébergement sont saturés, particulièrement dans la région parisienne. Le 115 est une machine aveugle, qui décourage tous ceux qui s’y confrontent, qui fonctionne sur une logique qui n’a rien à voir avec les besoins des personnes qui sont contraintes d’y avoir recours. La DRIHL (chargée de gérer l’hébergement pour la région parisienne), une fois les résidences et foyers pleins, sous-traite les places d’hébergement auprès de prestataires privés, associatifs ou non, qui proposent des places d’hôtel dans les périodes creuses du tourisme : l’exclusion du logement nourrit ainsi des organismes qui assurent leurs fins de mois. Et puisque c’est géré régionalement, une famille d’Aubervilliers, banlieue nord, peut se voir proposer une nuit d’hôtel en banlieue sud pendant qu’une autre de Viry-Châtillon est affectée à Garonor, zone industrielle du nord. Inutile de dire que les conditions de vie d’une famille dans un lieu où elle n’a pas le droit de cuisiner par exemple sont particulièrement difficiles. Sans parler de vouloir emmener les enfants dans leur école. Ceci peut durer des années pour un prix exorbitant. Bref c’est la loi du marché qui prime. Avec la fin de la trêve, les places mobilisées pendant l’hiver vont être fermées. La situation va s’aggraver inévitablement, parce que les difficultés rencontrées par les familles ne vont pas disparaître avec les beaux jours et que les expulsions locatives vont reprendre. Plusieurs habitants, en Seine-Saint-Denis, expulsés d’immeubles insalubres ces dernières années et hébergés depuis à l’hôtel, ont reçu du prestataire un avis de fin de la prise en charge pour le 15 mars. Émotion, mobilisation : les pouvoirs publics interpellés garantissent qu’il n’y a aucune menace de rupture des prises en charge pour le moment. Mais la méfiance et l’inquiétude sont grandes. Moratoire et réquisitionLes représentants de la Fondation Abbé-Pierre et de la fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale ont revendiqué un moratoire sur les expulsions locatives dans une tribune publiée le 12 mars dans Libération. La manifestation traditionnelle des associations mobilisées sur la question du logement samedi 16 mars revendiquait la fin de cette pratique barbare. Mais le gouvernement n’a pas voulu recevoir de délégation à cette occasion. Autre sujet d’inquiétude : Cécile Duflot ne parle plus de réquisition d’immeubles vides. Elle avait annoncé les premières pour décembre 2012. En décembre, elle renvoyait cette perspective à la fin de la trêve hivernale. Et aujourd’hui plus rien… Les sous-préfets, qui ont été mobilisés pour établir des listes d’immeubles vides, disent aujourd’hui, du bout des lèvres, qu’il y a des difficultés juridiques. Tout cela sent le recul à plein nez. Pas d’expulsion sans relogementIl faut interdire les expulsions qui assassinent celles et ceux qui en sont victimes et qui coûte très cher à la collectivité. Il faut interdire les expulsions parce que le droit au logement doit être inaliénable comme le droit à l’eau et à l’énergie. C’est le seul moyen de mettre la priorité absolue sur le maintien dans le logement (ou dans un autre, sans passage par l’hôtel) et de mettre en œuvre les procédures qui existent pour le locataire (traitement du surendettement, aides…) et pour les propriétaires (assurances, fonds de garantie des conseils généraux). Refuser cette interdiction, c’est avouer être prêts à laisser grossir la foule des SDF. JMB