Publié le Mercredi 6 juillet 2016 à 10h59.

Rocard : nous, on n’est pas amnésiques

La mort de Michel Rocard aura donc permis une belle unanimité de la classe politique institutionnelle. On nous assène qu’« il a tant fait pour la France et le socialisme » (Bartolone), un « homme de convictions [qui] n’a cessé toute sa vie, du PSU au Parti socialiste, de vouloir transformer la société, de réconcilier l’économique et le social, et de s’appuyer sur l’État comme sur les acteurs de la société pour agir et changer la réalité » (Aubry). « Un éclaireur nous a quittés », dit même Mélenchon, le faisant ainsi passer pour un ami des oppriméEs... pourtant aujourd’hui célébré à droite et même à l’extrême droite.

Pour notre part, nous refusons de participer à cette amnésie générale. Rocard n’est pas seulement celui qui a affirmé en 1989 que « nous ne pouvons plus héberger toute la misère du monde », marquant ainsi les renoncements de la gauche sur la question de l’immigration. Il est aussi en vrac le responsable du livre blanc sur les retraites qui a ouvert la voie à toutes les contre-réformes de gauche comme de droite, de la CSG, de la matraque contre la grève des infirmières en 1988, des accords de Matignon qui maintiennent le statut de colonie de la Kanaky (Nouvelle-Calédonie) et a permis l’amnistie des militaires qui assassinèrent des Kanaks au terme de l’assaut de la grotte d’Ouvéa... Il était aussi le Premier ministre du premier gouvernement de gauche... comprenant des ministres venus de la droite, celui qui a le plus utilisé le fameux 49-3 (Valls a été à bonne école...), avec une fin de carrière à un poste nommé par Sarkozy. Bref, un agent puissant du néolibéralisme au sein du PS.

Aussi rien d’étonnant à ce que Michel Rocard ait pu fêter ses 80 ans en compagnie d’Ernest-Antoine Seillière ou de Laurence Parisot, d’Alain Bauer (grand promoteur de politiques sécuritaires), outre évidemment la présence de pontes du PS ou de Nicole Notat (ancienne secrétaire générale de la CFDT qui avait soutenu le plan Juppé combattu par la rue en 1995). Nulle raison donc de se montrer surpris que Rocard ait pu à la toute fin de sa vie considérer que la loi travail est « une chance pour la France »...Comme l’écrivait notre camarade Daniel Bensaïd, « les Rocard et consorts ont de la suite dans les idées. Ils travaillent dans le long terme, en hommes de gouvernement et d’administration. Sans le dire encore ouvertement, ils partagent les préoccupations des technocrates capitalistes ».

Sandra Demarcq