Publié le Mercredi 22 juin 2016 à 10h29.

Grande-Bretagne Jo Cox et le « puits de haine »

Nous reproduisons ici un article de Andy Stowe qui, au nom de son organisation, Socialist Resistance, exprime sympathie et solidarité à la famille, aux amis et camarades de Jo Cox, la députée travailliste assassinée. Il revient aussi sur le contexte politique du drame et développe les positions de Socialist Resistance concernant le référendum.

 

Nous partageons l’idéalisme qui a coloré tout son engagement politique. Au Parlement, elle a parlé avec émotion du sort des migrants et expliqué qu’elle voyait ses propres enfants dans les visages des bébés dans les camps de réfugiés. Nous étions certes en désaccord quant à son soutien aux frappes aériennes en Syrie, mais elle fut une farouche défenseure des Syriens attaqués par les bouchers djihadistes et les assassins d’Assad. Elle était une amie du peuple palestinien et n’a pas hésité à se faire photographier devant Westminster le drapeau de leur nation à la main. Et, même si elle ne soutenait pas Jeremy Corbyn, elle s’est prononcée en faveur de sa candidature à la tête du parti travailliste parce qu’elle comprenait combien il était crucial que les opinions qu’il exprime soient entendues dans le débat. Sa mort à un si jeune âge est une perte pour le camp progressiste en Grande-Bretagne et une perte incomparablement plus grande pour sa famille.

Un tueur lié aux groupes racistes et violents

Jo est la 59e femme à être tuée par un homme en Grande-Bretagne cette année. La violence des hommes contre les femmes est une constante de la société britannique et nous ne pouvons exclure que cette violence ait été un élément qui a motivé ce meurtre.

Il semble y avoir moins de doute sur les autres raisons qui ont poussé le meurtrier à agir. La presse rapporte que l’homme interpellé aurait déjà été suivi dans le passé pour des problèmes psychologiques et aurait crié pendant l’attaque quelque chose comme « Le Royaume-Uni d’abord ! ». S’il avait crié « Allah akbar ! », les commentateurs auraient retenu sa religion et auraient fait peu de cas de sa santé mentale.

On rapporte également qu’il entretient depuis longtemps des liens avec des groupes racistes et violents de l’ultra-droite et qu’il avait acheté auprès d’eux des manuels sur la fabrication d’armes.

Un plébiscite contre l’immigration

Celui qui a tué Jo Cox l’a fait pour des raisons politiques. Les personnes ayant des problèmes de santé mentale ne vivent pas en marge de la société et, depuis des mois, le débat politique en Grande-Bretagne a été dominé par un sujet : l’immigration et particulièrement la manière dont elle est liée à l’adhésion de la Grande-Bretagne à l’Union européenne.

La presse tabloïd raciste a multiplié sans relâche les Unes mensongères, sensationnalistes avec des récits fabriqués sur les « hordes » d’immigrants « violeurs » qui allaient voler le travail des Britanniques. Dans le même temps, les principaux porte-parole du Brexit disaient exactement la même chose dans un langage un peu plus châtié, l’exception étant Farage qui se tenait le sourire aux lèvres devant une affiche anti-migrants de style nazi le matin-même où Jo Cox a été assassinée.

Farage, Gove, Johnson et Hoey ont transformé le référendum sur l’appartenance à l’UE en un plébiscite raciste contre l’immigration. Les camarades de gauche qui défendent l’idée que les travailleurs pro-Brexit expriment un rejet de l’establishment sont inconscients du fait qu’ils sont en réalité entraînés dans le sillage d’une campagne raciste et droitière. Quel autre sens donner aux chants « Fuck off Europe, on vote tous pour se casser » des fans de football anglais ou à leur mépris des enfants réfugiés auxquels ils lançaient des pièces de monnaie ?

Saisir les enjeux de la situation

Mais cette dérive politique ne se limite pas aux Johnson et Farage. Durant la campagne municipale à Londres, David Cameron, Zac Goldsmith et la plupart des dirigeants conservateurs ont essayé de salir le candidat travailliste Sadiq Khan en le présentant comme sympathisant terroriste. Cameron a utilisé cette même expression à l’encontre de Jeremy Corbyn pour son opposition de principe aux frappes aériennes en Syrie.

Corbyn a décrit la mort de Jo Cox comme « une attaque contre la démocratie venant d’un puits de haine ». Il a raison. Et les gens qui se sont abreuvés à ce puits sont tous ces politiciens qui ont utilisé le racisme et la rhétorique contre les immigrés dans le débat référendaire et tous ceux qui multiplient les insultes pour stigmatiser les voix dissidentes.

Nous devons nous battre contre cela.

La campagne pour la sortie de l’Union européenne a enhardi et encouragé les forces d’extrême droite et anti-migrants. Un vote en faveur du Brexit serait un désastre pour le mouvement ouvrier, pour chaque migrant et les minorités au Royaume-Uni. Le mouvement ouvrier et la gauche doivent saisir les enjeux de la situation – que l’assassinat d’une dirigeante travailliste de premier plan vient d’illustrer –, et avoir le courage de s’inscrire contre ce déchaînement réactionnaire en se prononçant pour un vote massif pour rester dans l’UE. C’est ce que Jo Cox avait compris.

De Londres, Andy Stowe

(Traduit par Raymond Adams)

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