Publié le Vendredi 19 août 2016 à 13h12.

En défense critique du code du travail

Contrairement à des stéréotypes véhiculés par le patronat aussi bien que par une partie du mouvement ouvrier, le code du travail n’est pas tout bénef’ pour les travailleurs. Bien des dispositions qu’il contient sont inefficaces (qu’on pense par exemple à la protection des salarié-e-s contre le harcèlement), voire carrément réactionnaire : interdiction d’indexer l’évolution des salaires sur celle des prix ou obligation pour les travailleurs étrangers d’obtenir un titre de travail avant de pouvoir légalement exercer un emploi.

Mais surtout, le droit du travail est indispensable à la constitution et à la dissimulation des rapports capitalistes de production. C’est au travers notamment du contrat de travail qu’est instituée la fiction du salarié vendant librement sa force de travail sur un « marché » alors que dans le même temps le code le soumet à une discipline élaborée unilatéralement par le patron.

Mais défense quand même !

L’Etat, jouant le rôle de « capitaliste collectif », a limité et encadré juridiquement l’exploitation. Mais surtout, les luttes sociales victorieuses ont été retranscrites dans le droit et le code du travail contient donc (encore) des dispositions mobilisables par les salariés pour leur défense individuelle ou collective.

Il enregistre le résultat de la lutte des classes mais fixe aussi les conditions dans lesquelles se dérouleront les affrontements sociaux futurs. Les capitalistes et leurs gouvernements s’acharnent donc à le « réformer » – nous avons connus pas moins de trois réformes majeures du code sous le quinquennat de Hollande – tandis que nous défendons bec et ongles les protections et les armes qu’il contient.

C’est aussi pour cette raison que les initiatives visant à élaborer un meilleur code du travail entre experts sont une impasse. Elles touchent à des questions – quelle durée maximale du travail ? quel salaire minimum ? – dont la réponse ne peut être donnée que par l’issue de la lutte. Même lorsqu’elles sont bien intentionnées, elles débouchent généralement sur des textes « raisonnables » dont leurs auteurs supposent qu’elles pourraient constituer un compromis acceptable pour le patronat. Mais le patronat se passe fort bien de ces initiatives, il a le gouvernement pour lui !

La loi El Khomri, une étape de franchie dans la casse des droits des travailleurs

La dernière en date, la loi El Khomri, marque un saut qualitatif dans la destruction des protections mobilisables par les salariés, de la même façon que ce qu’ont connu les travailleurs de Grèce, de l’Etat Espagnol ou du Portugal ces dernières années. En achevant le principe de faveur, elle tranche avec la logique même selon laquelle s’est construit le droit du travail et préfigure une offensive entreprise par entreprise visant à la détérioration des salaires et des conditions de travail.

Menace sur les libertés dans les entreprises

La loi El Khomri est aussi porteuse de régression pour les libertés des salariés. En effet, un amendement adopté lors de la deuxième lecture et retenu par le gouvernement, malgré l’opposition de l’observatoire de la laïcité, prévoit la possibilité pour les chefs d’entreprises d’inscrire le principe de neutralité dans le règlement intérieur et de « restreindre la manifestation des convictions des salariés » si ces restrictions sont « nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise ». Les mêmes mesures islamophobes et liberticides qui sévissent actuellement sur les plages pourraient demain être déclinées dans toutes les entreprises. Au-delà même de la liberté de conscience, le texte vise les « opinions » des salariés de manière générale et pourrait donc s’appliquer y compris à l’expression des idées politiques. Il y a urgence à ce que le mouvement ouvrier prenne le problème des libertés démocratiques dans l’entreprise à bras-le-corps !

Explosion des faux indépendants (mais vrais exploités !)

Le texte adopté à grands coups de 49-3 aide également le patronat à priver une partie des exploités des droits afférents au statut de salarié. Il prévoit pour cela que les utilisateurs de plate-forme de mise en relation par voie électronique (autrement dit Uber and Co.) sont présumés ne pas être des salariés, quand bien même cette plateforme organise leur travail et en fixe le prix !

D’un côté le gouvernement gesticule pour tenter d’apaiser le lobby des taxis, de l’autre il coupe l’herbe sous le pied à toutes les actions en justice contre Uber et les sociétés utilisant le même modèle, et notamment aux procédures pour travail dissimulé initiées par… l’URSSAF.

Continuer le combat après l’adoption de la loi « Travaille »

L’adoption de la loi à grands coups de 49-3 représente indéniablement une victoire pour le gouvernement et le patronat. Elle va imposer au mouvement ouvrier des adaptations pour prendre en compte les nouvelles conditions juridiques dans lesquelles la lutte va se dérouler.

Mais la loi El Khomri a également permis à des salariés issus de secteurs très différents de saisir à nouveau qu’ils ont des droits et des intérêts communs, elle a fait émerger une référence et des revendications commune à l’ensemble du monde du travail et remis à l’ordre du jour l’idée du « tous ensemble ».

Comment reprendre le combat ? Rendez-vous à l’Université d’Eté pour en débattre et approfondir ensemble les enjeux liés aux transformations du code du travail lors de l’atelier « En défense critique du code du travail » qui sera animé par des militants de l’inspection du travail et du commerce.

Simon Picou

 

Venez voir le débat à l’université d’été, mercredi matin.