Publié le Lundi 12 décembre 2016 à 09h46.

Éducation prioritaire : « Mardi 3 janvier, jour de la rentrée scolaire, c’est un ultimatum national »

Entretien. Professeur de mathématiques au lycée Maupassant de Colombes dans les Hauts-de-Seine (92), David est membre du collectif « Touche pas à ma ZEP » (TPAMZ).

Comment a démarré ce mouvement et quelle en sont les raisons ?

Ce mouvement vient en fait de la disparition de l’éducation prioritaire en lycée, alors que lors de la réforme REP/REP+ en 2014, qui avait déclenché des luttes importantes dans le 93, 92, 95, on avait annoncé aussi un classement des lycées. Celui-ci a pourtant été repoussé à plusieurs reprises. En avril 2016, dans un courrier de la ministre à un député du 92, on a appris qu’en fait, l’ensemble des lycées dits en éducation prioritaire allaient disparaître de ce classement. Cela aurait pour conséquence immédiate plus aucune garantie de moyens spécifiques dans nos lycées de quartiers populaires, comme à Colombes, à Saint-Denis ou à Gennevilliers pour ne citer qu’eux. En prenant appui sur la mobilisation contre la loi travail, le 18 mai 2016, des lycées du 92, 95, 93... se sont mobilisé devant le ministère pour dénoncer cette annonce.

Le collectif TPAMZ semble se structurer et être très actif. Comment s’est-il constitué ? Comment fonctionne-t-il ?

Les lycées mobilisés, au départ dans le 92 puis le 95, ont pris conscience de la nécessité d’informer l’ensemble des bahuts de la sortie de l’éducation prioritaire dès 2017. En effet, le projet de la ministre était bien sûr de casser l’éducation prioritaire en catimini, sans annonce officielle, par décret. La première tâche était donc d’informer les lycées et de convoquer des assemblées générales communes à la bourse du travail de Paris. À partir de là est rédigé un appel à l’ensemble de l’éducation prioritaire ouvert à la signature collective par les établissements mobilisés, quel que soit le label des établissements (zone sensible, zone violence, REP…) mais aussi à l’ensemble des lycées qui devraient en relever. Cet appel est lancé pendant l’été afin de préparer la mobilisation pour la rentrée. À la rentrée, un établissement est prêt a partir en grève reconductible, le lycée Joliot-Curie à Nanterre. On s’est mis d’accord pour que ce soit une grève marchante en faisant le tour des bahuts du 92 nord, du 95, du 93 afin de populariser l’appel. Le collectif s’est monté à la rentrée et l’appel regroupe aujourd’hui plus de 90 lycées signataires dans 14 académies. La grève s’est étendue au-delà de la région parisienne après le 29 septembre. Ce jour-là, c’était la première date commune pour les lycées mobilisés en éducation prioritaire. Le 11 octobre, Marseille et Dreux sont entrés dans le mouvement de grève. Il y a des AG de coordination régulières des lycées mobilisés permettant de décider ensemble des échéances à venir. À partir du 17 novembre, on a réussi à organiser des AG de grève massives qui ont regroupé plus d’une centaine de collègues en région parisienne les 17 et 29 novembre. C’est là que nous avons commencé à discuter concrètement de la possibilité de reconduire la grève. Des AG ont également eu lieu à Marseille et à Dreux. Nous avons organisé des réunions de coordination par vidéoconférence pour nous mettre d’accord sur les dates et frapper ensemble.

Quel a été le rôle des directions syndicales ?

Le problème de la disparition de l’éducation prioritaire est évidemment un problème national, mais la mobilisation est partie au départ de lycées mobilisés localement. Ceux-ci ont reçu le soutien de l’intersyndicale de Versailles, d’une intersyndicale de la région parisienne et de l’académie d’Aix- Marseille. La mobilisation grandissant, nous avons obtenu la mise en place d’une intersyndicale nationale pour la grève du 29 novembre.

Quelles sont vos revendications ?

Une des spécificités du collectif et de l’appel est d’avoir recherché l’unité de tous les lycées concernés (quel que soit le label, ou bien précédemment sans label ou classement), mais aussi d’avoir cherché des revendications unifiantes à tous les personnels. C’est pourquoi nous demandons une carte élargie de l’éducation prioritaire, mais surtout une carte assortie d’un label commun pour sortir de la dérégulation et de la jungle des sigles actuels. Ce label – et ça, c’est l’expérience des grève passées avec les collègues des collèges et des écoles contre la réforme REP/REP+ qui nous l’a appris – devra être contraignant en terme de moyens (dédoublements, effectif par classe) et de compensations pour les personnels (indemnités, primes, facilitation pour les mutations). Et justement, cette demande d’un label contraignant n’existe pas en REP/REP+ (écoles et collèges). C’est pourtant lui qui permet de faire la jonction entre écoles, collèges et lycées de l’éducation prioritaire, se rassemblant pour un label commun de la maternelle jusqu’au bac.

Et aujourd’hui, quelles sont vos perspectives ?

Le mouvement est maintenant national. Notre premier objectif est donc atteint, alors que cette question, rentrée 2016, était soi-disant localisée dans le 92 et ne méritait pas de réponse ministérielle d’après Najat Vallaud-Belkacem. Quatre mois plus tard, on en est à un décret et un arrêté ministériel sur la question des primes et des mutations – qui concernent les anciens collègues... mais pas les collègues arrivés après 2015 ! – ainsi que des annonces de créations de postes... mais pour la seule rentrée 2017 et sans garantie pour la suite ! En tout cas, ils n’auront pas réussi à sortir en catimini les lycées d’éducation prioritaire. Le pot aux roses a été découvert ! Face à la légitimité du mouvement, même la ministre est obligée de dire que nous avons raison ! Maintenant la perspective est claire, ça fait deux ans que la ministre a promis un classement : deux ans pour rendre sa copie, c’est assez ! Le mardi 3 janvier, jour de la rentrée scolaire, c’est un ultimatum national... et un départ en grève reconductible en l’absence de réponse de Najat Vallaud-Belkacem. Le décompte a commencé le 29 novembre...

Propos recueillis par Armelle Pertus