Publié le Lundi 6 juin 2016 à 09h46.

Salaires du CAC 40 : Faux débats et vrais scandales

Le Medef a tenté de donner le change au sujet du salaire exorbitant de Carlos Ghosn au sujet duquel son haut comité de gouvernement d’entreprise (HCGE) s’est fendu d’une lettre.

Celle-ci demande, quelle audace, de tenir compte du rejet par les actionnaires de Renault (à 54 %) de la rémunération attribuée au PDG de Renault et de Nissan, 15 millions d’euros, soit 7,2 côté Renault et 8 côté Nissan. Le patronat fait semblant de s’indigner, montrant l’arbre pour mieux cacher la forêt...

Cette lettre du Medef est à peine plus hypocrite que la pétition « Appel des 40 au CAC 40 » lancée par quarante dirigeants politiques de gauche, syndicalistes ou intellectuels. « Nous demandons au gouvernement de légiférer pour que désormais, en France, un patron ne puisse pas être rémunéré plus de 100 Smic, soit 1,75 million d’euros par an », écrivent les signataires parmi lesquels, avec les amis de Cambadélis, se trouvent Laurent Berger (CFDT), Philippe Martinez (CGT), Carole Couvert (CFE-CGC), Luc Bérille (Unsa), Thomas Piketty, Nicolas Hulot, ou le président de l’Unef, William Martinet. Leur audace, pour le moins limitée, est symptomatique de l’adaptation de cette gauche politique et syndicale à la logique du système.

Des serviteurs grassement rétribués

L’appel note pourtant qu’alors que, « dans les années 60, les rémunérations des PDG représentaient 40 fois le salaire moyen pratiqué dans les plus grandes entreprises américaines, cet écart a explosé pour atteindre aujourd’hui plus de 200 au sein de ces dernières et 120 dans les sociétés françaises. » Les Jean-Paul Agon, Maurice Lévy, Georges Plassat, Bernard Arnault et autres gagnent entre trois et quatre millions d’euros par an : en moyenne, 240 fois le Smic...

Hollande a, sans rire, demandé « aux autorités du patronat, des employeurs, d’avoir l’exigence morale de limiter la rémunération des dirigeants d’entreprise. À la loi d’intervenir pour des règles plus simples, plus claires, si rien ne se fait du côté patronal ». Il prétendait déjà dans sa campagne de 2012 « limiter les écarts de rémunération »... qui ont en fait explosé !

Il n’y a là rien que de très logique que les serviteurs de la finance dont la seule véritable compétence est d’exploiter, de licencier, délocaliser… afin d’augmenter les profits et les rémunérations des actionnaires, participent au festin macabre en intégrant la classe dirigeante. Ces rémunérations scandaleuses ne sont qu’un des symptômes de la folie de la financiarisation de l’économie et de la vie sociale tout entière parasitée par le capital. Les écarts de salaires ne devraient pas être supérieurs à 10, mais une autre répartition des richesses implique de prendre le mal à la racine, la logique de la course à la rentabilité et la propriété capitaliste.

Yvan Lemaitre